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01/12/2019
J'avais entendu beaucoup de bien de ce film après son passage cannois (où il a remporté le Prix du Jury et 4 prix annexes) et, une fois n'est pas coutume, nous avions avec Marianne tous les deux coché ce titre suffisamment haut dans la liste des films qui nous intéressaient pour qu'il gagne la bataille de la Toile du samedi soir !

Le résultat est à la fois convaincant et légèrement frustrant : convaincant car il y a une véritable tension qui irrigue toute cette histoire, que les personnages sont à la fois attachants et horripilants, que le scénario verse parfois dans ce qui semble être du grand n'importe quoi avant qu'on ne lui donne une totale crédibilité l'instant d'après. Ladj Ly ne prend pas parti, il filme ses personnages dans des situations qui les mettent en lumière avant de montrer leur part d'ombre, il ne les juge pas ou tente au moins qu'on ne les juge pas trop...

Que penser de ces 3 flics amenés à faire leur métier dans une infériorité numérique qui n'a pas de sens ? Que penser de ce gamin qui n'a plus rien à perdre et devient un chef de guerre digne des plus mauvais films hollywoodiens ? Peut-être qu'il faut donner autant de crédit à cette histoire que j'en ai donné quelques mois plus tard à l'excellent "Queen & Slim"... c'est d'ailleurs amusant de voir comment nous "jugeons" les Américains dans leurs relations avec la population afro-Américaine sans remettre en cause les relations tendues des policiers avec leurs concitoyens...

La vie de la cité, ses lieux de pouvoir, ses batailles d'influence et son monsieur loyal inattendu... la plongée proposée par ce film est assez viscérale et pourtant on pourrait découper le film en deux parties, la première, la plus convaincante, s'achevant sur un coucher de soleil sur la cité de Montfermeil et laissant chacun réfléchir à ce qu'il vient de voir. Fin du film ? Non, début d'un second où les mots ne suffisent plus : l'action prend le dessus et j'ai trouvé cela un peu "too much"... peut-être parce que je veux me voiler la face alors que les émeutes dans certaines banlieues font chaque année les titres des journaux, peut être parce que voir à l'écran ces manchettes de journal du type "les pompiers attaqués au mortier à X" ou "la police caillassée à Y" est quelque chose que je n'arrive pas à me représenter, que je n'arrive pas à comprendre.

Le film montre pourtant une réalité et une des conséquences de l'abandon de l'état envers les habitants ET les policiers chargés de ces zones... Cet abandon qui mène à une fin "évidente" et cruelle, une fin qui est un point de convergence à l'image d'un trou noir qui aura aspiré tout le monde, idéalistes comme idéologues, cynique comme naïf. Mathieu Kassovitz, qui a vu le film avec Ladj Ly aurait préféré une autre fin, "(il) voulait que tout explose, d’une autre manière" et j'aurais bien aimé savoir à quoi il pensait en disant cela car le film ne fait pas dans la demi-mesure.

Au final, la séance n'est pas de tout repos mais il manque un peu de subjectivité dans la vision des scénaristes. À force de se mettre en retrait, à force de ne pas vouloir prendre parti, le film se perd un peu et il y a une sorte de frustration devant le constat fait à l'écran : que peut-on faire pour changer ce qu'on voit ? Un certain fatalisme s'est emparé de moi en sortant de la salle ce qui m'a d'abord donné une réaction de rejet contre les choix de Ladj Ly mais, objectivement, je me plains trop souvent des films surexpliqués, des fins fermées pour ne pas reconnaître le tour de force que représente ce premier film. Certes, il y a des moments de flottement, des moments où l'on se dit "mais c'est trop gros, pourquoi ils y vont alors que ça sent le traquenard à 100 kilomètres", mais ce film n'est pas un documentaire et je ne suis pas certain qu'il soit si éloigné de la réalité même si ça fait mal de se dire que cette dernière existe sous cette forme.

Oui "Les Misérables" mérite son prix à Cannes et ses récompenses aux Césars. Sa nomination aux Oscar est plus discutable mais c'est parce que cette année encore il sera bien entouré dans mon top10 2019 avec au moins 3 autres films français (mais je comprends que celui-ci avait les meilleures chances pour décrocher la timbale... bien que "Parasite" lui ait volé la vedette en même temps que l'Oscar de meilleur film "tout court" lors de cette cérémonie). Bref, "les Misérables" sera un des films marquants de cette année 2019 et lancera sûrement les spectateurs sur des discussions aussi intéressantes que... déprimantes (j'en ai bien peur).
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